Le chœur du Canto

Le Canto General 

Né au Chili en 1904, Pablo Neruda est un poète à l’imagination puissante et au lyrisme délicat, vigoureusement engagé dans son siècle. Il fit entendre son cri de révolte dans le monde entier. Il représente le Chili en tant que Consul dans différents pays dont l’Espagne à la veille de la guerre civile.

En 1936, l’assassinat en Espagne de son ami Federico García Lorca marque le départ de son engagement anti-fasciste.

Parallèlement, il rédige les premiers recueils du CANTO GENERAL, vaste fresque épique sur l’histoire et les destinées des peuples d’Amérique, 331 poèmes, dont la première édition sera publiée en 1950 à Mexico.

Il reçoit en 1955 le Prix mondial de la Paix, et s’engage aux côtés de Salvador Allende. Il multiplie alors les publications et les prises de position. En 1971 il obtient le Prix Nobel de littérature pour son œuvre.

Suite au coup d’état du 11 septembre 1973 et à l’assassinat du Président Allende, il meurt 10 jours après son ami. Les milliers de Chiliens qui accompagnaient le poète au cimetière, entourés et escortés de la police secrète et des soldats en armes criaient : «Pablo Neruda, présent !»




Né en 1925 sur l’île de Chios, Mikis Theodorakis étudie
la musique à Athènes et à Paris.

Musicien et compositeur il est connu du grand public pour ses musiques de film, Zorba le Grec de Michaël Cacoyanis, Z de Costa-Gavras. Il est aussi l’auteur de nombreuses symphonies, musiques de chambre, ballets,
mais sa source d’inspiration principale est la poésie grecque, qu’il met magistralement en musique.

Après le putsch militaire de 1967, il mène un combat sans relâche
contre toute forme de dictature, ce qui lui vaut d’être emprisonné, torturé et expulsé à plusieurs reprises. En 1970, réfugié politique à Paris, il continue sa lutte et met en musique plusieurs poèmes du CANTO GENERAL de son ami Pablo Neruda.
L’œuvre devait à l’origine être jouée pour la première fois à Santiago du Chili,
mais quelques jours avant le concert le putch militaire et l’assassinat de Salvador Allende reportèrent la représentation à une date ultérieure.
Le 13 août 1975, après la chute du régime des Colonels en Grèce, c’est devant le stade archicomble du Pirée, que Theodorakis effectuait avec le CANTO GENERAL, un retour triomphal et mémorable dans son pays





Textes et traductions
 
Amor América, 1400 Amour de l’amérique, 1400

Antes de la peluca y la casaca
Fueron los ríos, ríos arteriales
Fueron las cordilleras, en cuya onda raída
El cóndor o la nieve parecían inmóviles
Fue la humedad y la espesura, el trueno
sin nombre todavía, las pampas planetarias.
El hombre tierra fue, vasija, párpado
del barro trémulo, forma de la arcilla,
fue cántaro caribe, piedra chibcha,
copa imperial o sílice araucana.
Tierno y sangriento fue,
pero en la empuñadura
de su arma de cristal humedecido,
las iniciales de la tierra estaban escritas.
Nadie pudo recordarlas después
el viento las olvidó, el idioma del agua
fue enterrado, las claves se perdieron
o se inundaron de silencio o sangre.
No se perdió la vida, hermanos pastorales.
Pero como una rosa salvaje
Cayó una gota roja en la espesura,
Y se apagó una lámpara de tierra.
Yo estoy aquí para contar la historia.
Desde la paz del búfalo
Hasta las azotadas arenas
De la tierra final,
En las espumas
Acumaladas de la luz antártica,
Y por las madrigueras despeñadas
de la sombría paz venezolana.
te busqué, padré mío
joven guerrero de tiniebla y cobre,
O tú, planta nupcial, caballera indomable,
madre caimán,
metálica paloma.
Yo, incásico del légamo,
toqué la piedra y dije
¿ Quién me espera ?
Y apreté la mano
sobre un puñado de cristal vacío.
Pero anduve entre flores zapotecas
y dulce era la luz como un venado,
y era la sombra como un párpado verde.
Tierra mía sin nombre,
sin América,
estambre equinoccial, lanza de púrpura,
tu aroma me trepó
por las raíces
hasta la copa que bebía,
hasta la más delgada palabra
aún no nacida de mi boca.

Avant la perruque et le justaucorps
il y eut l’eau, les fleuves artériels
et il y eut l’onde lustrée des cordillères
le condor ou la neige y semblaient immobiles,
il y eut l’épaisseur, l’humidité et le tonnerre
alors sans nom, les pampas planétaires.
L’homme fut terre, poterie, paupière
de la boue tremblante, il fut forme de l’argile,
glaise pétrie, pierre chibcha,
coupe impériale ou silice araucane.
Il fut tendre et sanglant
mais sur la poignée de son arme,
cristal mouillé,
les initiales de la terre étaient écrites.
Et nul ne put s’en souvenir plus tard
le vent les oublia, le langage de l’eau
fut enterré, les clefs perdues
ou englouties sous le silence ou dans le sang.
Mais la vie ne se perdit pas, frères champêtres.
Rose sauvage,
une goutte rouge tomba sur l’épaisseur
et ainsi s’éteignit une lampe de terre.
Je suis ici pour raconter l’histoire.
De la paix du buffle
jusqu’aux sables fouettés et refouettés
du bout du monde,
dans les écumes accumulées
du jour antarctique
en passant par les tanières abruptes
de la sombre tranquillité vénézuélienne,
je t’ai cherché, mon père,
jeune guerrier de cuivre et de ténèbres,
toi, allure nuptiale, chevelure indomptable,
mère caïman,
colombe de métal.
Moi, l’Inca du limon,
j’ai touché la pierre et j’ai dit
Qui m’attend ?
J’ai refermé la main,
je n’ai senti qu’une poignée de cristal vide.
Pourtant je m’avançais entouré de fleurs zapotèques
et la lumière était douce comme une biche
et l’ombre paraissait une paupière verte.
Ô ma terre innommée,
sans ce nom d’Amérique,
anthère équinoxiale, lance pourpre,
ton parfum est monté en moi
par les racines
jusqu’à la coupe où je buvais,
jusqu’à ce mot le plus gracile,
encore à naître de ma bouche.

 
Algunas bestias Quelques animaux

>Era el crepúsculo de la iguana.
Desde la arcoirisada crestería
su lengua como un dardo
se hundía en la verdura,
el hormiguero monacal pisaba
con melodioso pie la selva,
el guanaco fino como el oxígeno
en las anchas alturas pardas
iba calzando botas de oro,
mientras la llama abría candidos
ojos en la delicadeza
del mundo lleno del rocío.
Los monos trenzaban un hilo
interminablemente erótico
en las riberas de la aurora,
derribando muros de polen
y espantando el vuelo violeta
de las mariposas de Muzo.
Era la noche de los caimanes,
la noche pura y pululante
de hocicos saliendo del legamo,
y de las ciénagas señolientas,
un ruido opaco de armaduras
volvía al origen terrestre.
El jaguar tocaba las hojas
con su ausencia fosforescente,
el puma corre en él ramaje
como el fuego devorador
mientras arden en él los ojos
alcohólicos de la selva.
Los tejones rascan los pies
del río husmean el nido
cuya delicia palpitante
atacarán con dientes rojos.
Y en el fondo del agua magna,
como el círculo de la tierra,
está la gigante anaconda
cubierta de barros rituales,
devoradora y religiosa

C’était le crépuscule de l’iguane.
De sa crête couleur arc en ciel
sa langue, comme un dard,
plongeait dans la végétation,
le fourmilier géant foulait
la forêt de son pied mélodieux,
le guanaco fin comme l’oxygène,
dans les vastes hauteurs brunes,
allait chaussé de bottes d’or,
Pendant que le lama ouvrait de candides
yeux sur la délicatesse
du monde imbibé de rosée.
Les singes tressaient un fil
interminablement érotique
sur les rives de l’aurore,
abattant des murs de pollen
et effrayant le vol violet
des papillons de Muzo.
C’était la nuit des caïmans,
la nuit pure et pullulante
de museaux sortant de la vase,
et, des marécages somnolents,
un bruit opaque d’armures
retournait à l’origine terrestre.
Le jaguar touchait les feuilles
de son absence phosphorescente,
le puma court dans les branchages
comme le feu dévorant
pendant que brûlent en lui les yeux
alcooliques de la forêt.
Les blaireaux grattent les pieds
de la rivière, reniflent le nid
dont ils attaqueront les délices palpitants
de leurs dents rouges.
Et au fond de l’eau majestueuse,
comme le cercle de la terre,
se tient l’anaconda géant
couvert de boues rituelles,
dévorant et religieux


Vienen los pájaros Les oiseaux arrivent

Todo era vuelo en nuestra tierra.
Como gotas de sangre y plumas
los cardenales desangraban
el amanecer de Anáhuac.
El tucán era una adorable
caja de frutas barnizadas,
el colibrí guardó las chispas originales del relámpago
y sus minúsculas hogueras
ardían en el aire inmóvil.
Los ilustres loros llenaban
la profundidad del follaje
como lingotes de oro verde
recién salidos de la pasta de los pantanos sumergidos,
y de sus ojos circulares
miraba una argolla amarilla, vieja como los minerales.
Todas las águilas del cielo nutrían su estirpe sangrienta
en el azul inhabitado,
y sobre las plumas carnívoras volaba encima del mundo
el cóndor,
rey asesino, fraile solitario del cielo, talismán negro
de la nieve, huracán de la cetrería.
La ingeniería del hornero
hacía del barro fragante pequeños teatros sonoros
donde aparecía cantando.
El atajacaminos iba dando su grito humedecido
a la orilla de los cenotes.
La torcaza araucana hacía ásperos nidos matorrales
donde dejaba el real regalo
de sus huevos empavonados.
La Loica del Sur, fragante, dulce carpintera de otoño,
mostraba su pecho estrellado de constelación escarlata,
y el austral chingolo elevaba su flauta recién
recogida de la eternidad del agua.
Más, húmedo como un nenúfar, el flamenco
abría sus puertas de sonrosada catedral,
y volaba como la aurora, lejos del bosque bochornoso
donde cuelga la pedrería
del Quetzal, que de pronto despierta,
se mueve, resbala y fulgura y hace volar su brasa virgen.
Vuela una montaña marina hacia las islas, una luna
de aves que van hacia el Sur,
sobre las islas fermentadas del Perú.
Es un río vivo de sombra, es un cometa
de pequeños corazones innumerables
que oscurecen el sol del mundo como un astro
de cola espesa palpitando hacia el archipiélago.
Y en final del iracundo mar, en la lluvia del océano,
surgen las alas del albatros como dos sistemas de sal
estableciendo en el silencio, entre las rachas torrenciales,
con su espaciosa jerarquía el orden de las soledades

Tout était vol sur notre terre.
Gouttes de sang, gouttes de plumes,
les cardinaux saignaient le jour naissant
sur le sol d’Anahuac.
Le toucan était un charmant
cageot de fruits tout vernissés,
le colibri avait gardé les étincelles de l’éclair
et ses minuscules brasiers,
dans l’air immobile, brûlaient.
D’illustres perroquets peuplaient
le feuillage en sa profondeur
pareils à des lingots d’or vert
fraîchement sortis de la pâte des marécages submergés,
et de leurs yeux circulaires
regardaient un anneau jaunâtre aussi vieux que les minéraux.
Tous les aigles du firmament nourrissaient leur sanglante
caste dans l’azur vide, inhabité,
et sur les plumes carnivores au-dessus du monde
planait le condor,
ce roi assassin, cet anachorète céleste, ce talisman noir
de la neige, trombe de la fauconnerie.
Le fournier, ingénieur habile,
tirait de la boue odorante de petits théâtres sonores
où il se montrait pour chanter.
Le traversier poussait son cri humidifié
au bord des puits sous le roc sombre des cavernes.
Et le ramier d’Auricanie
construisant ses nids buissonneux y laissant le cadeau royal
de ses oeufs au poli bleuté.
Parfum du Sud, la loïca douce menuisière d’automne,
présentait sa gorge étoilée de constellations écarlates,
et le chilingo élevait sa flûte depuis peu
ravie à l’eau de l’éternité.
Humide comme un nénuphar, le flamant, lui,
ouvrait ses portes de rose, rose cathédrale,
et il volait comme l’aurore, loin de la forêt suffocante
où pendent les pierres précieuses
du Quetzal qui soudain s’éveille
bouge, glisse, fulgure, et fait voler sa braise vierge.
Vole une montagne marine vers les îles ; passe une lune
d’oiseaux en route vers le Sud,
doublant les îles fermentées du Pérou.
C’est un fleuve d’ombre vivant, une comète
de petits cœurs innombrables
obscurcissant le soleil de notre planète comme un astre
à la lourde traine qui palpite vers l’archipel.
Et dans la pluie de l’océan, au bout de la mer irascible,
voici l’albatros et ses ailes, comme deux systèmes de sel,
fondant, en plein cœur du silence et des rafales torrentielles
avec leur ample hiérarchie, le grand ordre des solitudes

 
Los libertadores Les libérateurs

Aquí viene el árbol, el árbol
de la tormenta, el árbol del pueblo.
De la tierra suben sus héroes
como las hojas por la savia,
y el viento estrella los follajes
de muchedumbre rumorosa,
hasta que cae la semilla
del pan otra vez a la tierra.
Aquí viene el árbol, el árbol
nutrido por muertos desnudos,
muertos azotados y heridos,
muertos de rostros imposibles,
empalados sobre una lanza,
desmenuzados en la hoguera,
decapitados por el hacha,
descuartizados a caballo,
crucificados en la iglesia.
Aquí viene el árbol, el árbol
cuyas raíces están vivas,
sacó salitre del martirio,
sus raíces comieron sangre
y extrajo lágrimas del suelo
las elevó por sus ramajes,
las repartió en su arquitectura.
Fueron flores invisibles,
a veces, flores enterradas,
otras veces iluminaron
sus pétalos, como planetas.
Y el hombre recogió en las ramas
las corolas endurecidas,
las entregó de mano en mano
como magnolias o granadas
y de pronto, abrieron la tierra,
crecieron hasta las estrellas.
Éste es el árbol de los libres.
El árbol tierra, el árbol nube,
el árbol pan, el árbol flecha,
el árbol puño, el árbol fuego.
Lo ahoga el agua tormentosa
de nuestra época nocturna,
pero su mástil balancea
el ruedo de su poderío.
Otras veces, de nuevo caen
las ramas rotas por la cólera
y una ceniza amenazante
cubre su antigua majestad
así pasó desde otros tiempos,
así salió de la agonía
hasta que una mano secreta,
unos brazos innumerables,
el pueblo, guardó los fragmentos,
escondió troncos invariables,
y sus labios eran las hojas
del inmenso árbol repartido,
diseminado en todas partes,
caminando con sus raíces.
Éste es el árbol, el árbol
del pueblo, de todos los pueblos
de la libertad, de la lucha.
Asómate a su cabellera
toca sus rayos renovados
hunde la mano en las usinas
donde su fruto palpitante
propaga su luz cada día.
Levanta esta tierra en tus manos,
participa de este esplendor,
toma tu pan y tu manzana,
tu corazón y tu caballo
y monta guardia en la frontera,
en el límite de sus hojas.
Defiende el fin de sus corolas,
comparte las noches hostiles,
vigila el ciclo de la aurora,
respira la altura estrellada,
sosteniendo el árbol, el árbol
que crece en medio de la tierra

Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
de l’orage, l’arbre du peuple.
Ses héros montent de la terre
les branches qui tombent à nouveau
comme les feuilles par la sève,
et le vent casse les feuillages de la multitude grondante,
alors la semence du pain
retombe enfin dans le sillon.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
nourri par des cadavres nus,
des morts fouettés et estropiés,
des morts aux visages troublants,
empalés au bout d’une lance,
recroquevillés dans les flammes,
décapités à coups de hache,
écartelés par les chevaux
ou crucifiés dans les églises.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
dont les racines sont vivantes,
il a pris l’engrais du martyre,
ses racines ont bu du sang,
au sol il a puisé des larmes
qui par ses branches sont montées
parsemant son architecture.
Elles furent fleurs, quelquefois
invisibles, fleurs enterrées,
d’autres fois elles allumèrent
leurs pétales, comme des planètes.
Et l’homme cueillit sur les branches
les corolles aux parois durcies,
il les tendit de main en main
tels des magnolias, des grenades,
et brusquement, ouvrant la terre,
elles grandirent jusqu’au ciel.
C’est lui, l’arbre des hommes libres
L’arbre terre, l’arbre nuage.
L’arbre pain, l’arbre sarbacane,
l’arbre poing, l’arbre feu ardent.
Inondé par l’eau tempétueuse
de notre époque de ténèbres,
son mât décrit dans le roulis
les arènes de sa puissance.
D’autres fois la colère brise
les branches qui tombent à nouveau
et une cendre menaçante
couvre sa vieille majesté
ainsi franchit-il d’autres temps
et sortit-il de l’agonie,
jusqu’au moment où une main secrète,
des bras innombrables,
le peuple, en garda les fragments
et cacha des troncs immuables.
Ses lèvres étaient alors les feuilles
de l’immense arbre réparti,
disséminé de tous côtés,
qui marchait avec ses racines.
Voici venir l’arbre, c’est lui
l’arbre du peuple, tous les peuples
de la liberté, de la lutte.
Montre-toi dans sa chevelure
palpe ses rayons restitués
plonge la main dans les usines,
là même où son fruit palpitant
chaque jour répand sa lumière.
Lève dans tes mains cette terre,
unis-toi à cette splendeur,
emporte ton pain et ta pomme,
ton coeur aussi et ton cheval
et monte la garde aux frontières
aux confins de sa frondaison.
Défends le but de ses corolles,
partage les nuits ennemies
veillant au cycle de l’aurore,
respire la cime étoilée,
en protégeant l’arbre, cet arbre
qui pousse au milieu de la terre.

 
America insurrecta Amérique insurgée

Nuestra tierra, ancha tierra, soledades,
se pobló de rumores, brazos, bocas.
Una callada sílaba iba ardiendo,
congregando la rosa clandestina,
hasta que las praderas trepidaron
cubiertas de metales y galopes.
Fue dura la verdad como un arado.
Rompió la tierra, estableció el deseo,
hundió sus propagandas germinales
y nació en la secreta primavera.
Fue callada su flor, fue rechazada
su reunión de luz, fue combatida
la levadura colectiva, el beso
de las banderas escondidas,
pero surgió rompiendo las paredes,
apartando las cárceles del suelo.
El pueblo oscuro fue su copa,
recibió la substancia rechazada,
la propagó en los límites marítimos,
la machacó en morteros indomables.
Y salió con las páginas golpeadas
y con la primavera en el camino.
Hora de ayer, hora de mediodía,
hora de hoy otra vez, hora esperada
entre el minuto muerto y el que nace,
en la erizada edad de la mentira.
Patria, naciste de los leñadores,
de hijos sin bautizar, de carpinteros,
de los que dieron como un ave extraña
una gota de sangre voladora,
y hoy nacerás de nuevo duramente
desde donde el traidor y el carcelero
te creen para siempre sumergida.
Hoy nacerás del pueblo como entonces.
Hoy saldrás del carbón y del rocío.
Hoy llegarás a sacudir las puertas
con manos maltratadas,con pedazos
de alma sobreviviente, con racimos
de miradas que no extinguió la muerte,
con herramientas hurañas
armadas bajo los harapos

Notre terre, ample terre, solitudes,
se peupla de rumeurs, de bras, de bouches.
Une syllabe muette qui brûlait
y rassemblait la rose clandestine,
jusqu’au jour où les prairies trépidèrent
couvertes de métaux et de galops.
La vérité fut dure comme une charrue.
Elle rompit la terre, établit le désir,
enfouit ses propagandes germinales
et naquit durant le printemps secret.
Sa fleur fut silencieuse, repoussée
sa grappe de lumière, combattue
le levain collectif, le baiser
des drapeaux cachés,
mais elle surgit lézardant les murs,
écartant les geôles du sol.
Et le peuple obscur fut sa coupe,
il reçut la substance refoulée,
la propagea jusqu’aux limites de la mer,
il la pila dans des mortiers irréductibles.
Et il sortit avec ses pages martelées
et avec le printemps sur le chemin.
Heure d’hier, heure méridienne, heure
à nouveau d’aujourd’hui, heure attendue
entre la minute morte et celle qui naît,
à l’âge hérissé du mensonge.
Patrie, tu fus engendrée par les bûcherons,
par les enfants non baptisés, les charpentiers,
par ceux-là qui donnèrent, tel un oiseau étrange,
une goutte de sang ailé,
et aujourd’hui tu vas renaître durement,
de ce lieu où le renégat et le geôlier
te croient à jamais submergée.
Aujourd’hui comme alors tu vas naître du peuple.
Aujourd’hui tu vas sortir du charbon, de la rosée.
Tu vas venir secouer les portes
avec des mains meurtries, des bribes
d’âme survivante, des grappes
de regards que la mort n’a pas éteintes,
avec aussi de durs outils
armés sous les haillons.

 

A Emiliano Zapata
Con la música de Tata Nacho

A Emiliano Zapata
Avec la musique de Tata Nacho

Cuando arreciaron los dolores
en la tierra, y los espinares desolados
fueron la herencia de los campesinos,
y como antaño, las rapaces
barbas ceremoniales, y los látigos,
entonces, flor y fuego galopado...
Borrachita me voy, hacia la capital
Zapata entonces fue tierra y aurora.
En todo el horizonte aparecía
la multitud de su semilla armada.
En un ataque de aguas y fronteras
el férreo manantial de Coahuila,
las estelares piedras de Sonora :
todo vino a su paso adelantando,
a su agraria tormenta de herraduras.
Que si se va del rancho
muy pronto volverá
cintitas pa ?
tu pelo no llores por tu Pancho
Borrachita me voy para olvidar
Pedimos patria para el humillado.
Tu cuchillo divide el patrimonio
y tiros y corceles amedrentan
los castigos, la barba del verdugo.
La tierra se reparte con un rifle.
No esperes, campesino polvoriento,
después de tu sudor la luz completa
y el cielo parcelado en tus rodillas.
Levántate y galopa con Zapata.
México, huraña agricultura, amada
tierra entre los oscuros repartida
de las espaldas del maíz salieron
al sol tus centuriones sudorosos.
De la nieve del Sur vengo a cantarte.
Déjame galopar en tu destino
y llenarme de pólvora y arados.
Que si habrá de llorar
pa qué volver

Quand les douleurs redoublèrent
sur la terre, quand les aubépines désolées furent
l’héritage des paysans,
et que comme autrefois, il y eut les rapaces aux
barbes cérémoniales et les fouets,
Alors, fleur et feu galopèrent.
Chopinette, je pars pour la capitale
Zapata fut alors terre et aurore.
Dans tout l’horizon est apparue
la multitude de sa semence armée.
Dans une attaque des eaux et des frontières
La source ferrugineuse de Coahuila,
Les pierres stellaires de Sonora :
Tout vint se précipiter sur son passage,
sur sa tempête agraire de chevaux ferrés.
Que s’il quitte le ranch,
il reviendra bientôt des bribes
pour tes cheveux
ne pleure pas pour ton Pancho
Chopinette, je pars pour t’oublier
Nous demandons une patrie pour l’humilié.
Ton couteau divise le patrimoine
Et les tirs et les coursiers intimident les représailles,
la barbe du bourreau.
La terre est partagée au fusil.
N’attends pas, paysan poussiéreux,
Après ta sueur débouche en pleine lumière
Et le ciel empaqueté à tes genoux.
Dresse-toi et galope avec Zapata.
Mexique, à l’agriculture rude, terre aimée
répartie parmi les obscurs
des épées de maïs sont sortis
vers le soleil tes centurions en sueur.
De la neige du Sud, je viens pour te chanter.
Laisse-moi galoper dans ton destin
et m’emplir de poudre et de charrues.
S’il y aura lieu de pleurer
pourquoi revenir.

 

Voy a vivir

Je vais vivre

Yo no voy a morirme.
Salgo ahora
en este día lleno de volcanes
hacia la multitud,
hacia la vida.
Aquí dejo arregladas estas cosas
hoy que los pistoleros se pasean
con la «cultura occidental» en brazos,
con las manos que matan en España
y las horcas que oscilan en Atenas
y la deshonra que gobierna a Chile
y paro de contar.
Aquí me quedo
con palabras y pueblo
y caminos
que me esperan de nuevo,
y que golpean
con manos consteladas
en mi puerta.

Je ne vais pas mourir
je pars
en ce jour rempli de volcans
vers l’homme en foule,
vers la vie.
J’ai tout réglé. Je laisse tout en ordre
maintenant que se pavanent les bandits
avec la «culture occidentale» à pleins bras,
avec des mains qui tuent en Espagne
et des gibets qui se balancent sur Athènes
et la honte qui gouverne le Chili
mais je cesse de conter.
Me voici
avec des mots, des peuples
des chemins
qui à nouveau m’attendent,
des constellations de mains
qui frappent
à ma porte.

 

Requiem aeternam

Requiem pour Neruda

Neruda
Requiem
Aeternam
Lacrima
Yá tous zontanous
America
Skláva
Sklávi óli ila
Lacrimosa
I soun
Osternós ilios
Tóra kivermoún náni
Orfánepse igi
Neruda
Requiem
Aeternam

Neruda
Requiem
Aeternam
Larmes
Pour les vivants
Amérique
Esclave
Esclaves sont les peuples
Lacrimosa (torrent de larmes)
Tu étais
Le dernier soleil
Maintenant règnent les nains
La terre est orpheline
Neruda
Requiem
Aeternam



mail